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3
octobre
2023

« Capter » le client, « captiver » le client[1]

Dans le cadre de sa profession, l’avocat est régulièrement amené à rédiger des documents, du simple courriel à la rédaction de conclusions. Ecrire est une chose ; se faire comprendre et exprimer le message adéquat en est une autre.

Cet article a pour vocation de résumer les conseils prodigués par Madame Michèle LENOBLE-PINSON dans son ouvrage : « Chapitre 2 – « Capter » le client, « captiver » le client ». L’auteur propose « dix moyens ou conseils pratiques, utiles pour rédiger les textes de contact entre l’avocat et son client »[2].

En matière de rédaction, l’élément central indispensable est de penser au lecteur, le client destinataire du texte. L’avocat doit faire preuve d’empathie à l’égard du lecteur, se mettre dans sa peau [3]. Qu’est-ce que le client attend de moi ? Ai-je bien circonscrit sa demande ? Mon message est-il assez clair ? Quelle est son impact ? Ces questions impliquent un travail de recherche vis-à-vis du client[4].

Pour être compris par le client, un texte doit être suffisamment clair et précis. A cet fin, l’avocat doit : « rester attentif à deux types d’exigences inséparables, qui pourtant ne se confondent pas »[5] : les unes relèvent de la démarche intellectuelle du juriste et les autres du bon usage de la langue[6].

Le premier conseil est d’aller directement à l’essentiel, « straight to the point »[7]. Il faut mettre en avant la problématique qui intéresse le client. Il ne faut pas vouloir être exhaustif et parler de tout. Il convient de hiérarchiser l’information et d’écarter l’accessoire en évitant de rappeler des éléments factuels connus du client ou des informations secondaires inutiles. Si le sujet comporte plusieurs messages essentiels, il est préférable de les aborder séparément dans plusieurs textes distincts[8]. Ce faisant, pour plus de clarté, l’avocat évitera de rédiger des phrases trop longues et d’exprimer plusieurs idées dans une seule phrase ou un seul paragraphe[9].  En résumé, l’avocat doit :

  • « se limiter à un seul contenu principal par texte ;
  • aller au vif du sujet dès la première ligne ;
  • user d’une écriture lisible, accessible au client ;
  • rester dans tout le texte en contact avec le centre d’intérêt du destinataire ;
  • veiller à l’exactitude et à la rigueur du contenu »[10].

Le deuxième conseil est de personnaliser le texte, grâce aux pronoms « vous, je, nous », afin de capter l’attention du client. On évitera donc les pronoms impersonnels « il » ou « on »[11].

Le troisième conseil est l’interrogation du client de façon positive, ce qui permet d’attirer son attention facilement. En effet, « l’emploi d’une tournure interrogative contraint le client à se sentir concerné » et permet ainsi « une communication plus éveillée et plus vivante »[12].

Le quatrième conseil est de rendre actives les phrases passives. Les faits doivent être décrits au présent. Selon les cas, il convient « de rapporter les faits et donc décrire à la façon de l’historien », en respectant l’ordre chronologie. Cependant, dans la majorité des cas, l’avocat gagne à rédiger « à la manière d’un commentateur, c’est-à-dire comme si les faits pouvaient être rapprochés du moment où vous écrivez. ‘Nous sommes en 2020 …’ En faisant revivre l’évènement, l’écriture commentative instaure un lien étroit entre l’avocat et son client »[13].

Le cinquième conseil est de ne pas exprimer vos doutes et vos hésitations. L’avocat veille à être positif et efficace en privilégiant les affirmations[14]. Le doute « en tant que marque de réflexion et état d’esprit critique » doit rester du domaine de tout universitaire et de tout chercheur. La communication avec son client appartient à un tout autre domaine[15]. Confier ses doutes, ses craintes ou ses hésitations n’apportent aucune plus-value au message destiné au client ; pire, en perturbant la communication, cela érode sa confiance envers son avocat[16]. Ce faisant, « Il vaut mieux écrire : « Je ne puis pas vous donner une réponse aujourd’hui, mais je m’informe et suis persuadé que demain vous aurez satisfaction » plutôt que : « Je ne suis pas sûr de ma réponse aujourd’hui, mais il se pourrait bien que cela s’éclaire demain. Les deux phrases dénoncent la même situation. Toutefois, dans la première, le client reçoit un message clair et sait précisément à quoi s’en tenir ; dans la deuxième, il n’est pas fixé »[17].

Le sixième conseil est de ne pas abuser des adverses. Même s’ils apportent du sens à la phrase, ils l’alourdissent également[18]. Il ne faut y recourir qu’avec parcimonie.

Le septième conseil est de traduire, voire vulgariser, les termes-clés, qu’ils soient juridiques ou abstrait. L’avocat ne doit pas « être obliger d’employer un terme précis car il figure dans le code judiciaire »[19]. Il convient d’écrire de manière simple afin de faciliter la communication avec le client. Ce faisant, le vocabulaire utilisé doit être compréhensible. L’avocat qui se montre pédagogue gagne en efficacité[20]. La « traduction » d’un terme juridique en langage commun prend différentes formes :

  • « la forme d’une définition, entre guillemets – pas trop spécialisée et brève si possible. Au marc le franc, « proportionnellement au montant de la créance de chacun », […] ;
  • la forme d’un para-synonyme d’usage courant, aisé à comprendre, placé entre deux virgules. Exploit d’huissier, acte d’huissier, […] ;
  • la forme d’une brève explication commençant par les mots c’est-à-dire, ajoutée entre tirets après le terme en question ou placée en note de bas de page. Les dépens – c’est-à-dire les frais de procédure– sont à charge de […] »[21].

Le huitième conseil est de procéder, à bon escient, des répétitions[22]. L’avocat veille également à employer toujours le même terme juridique pour la même notion[23]. Il est aussi judicieux de répéter l’idée principale dans un texte structuré afin de que le client puisse suivre notre raisonnement.

Le neuvième conseil est d’élaguer le texte de toute locution inutile et de tout mot usé[24]. Il convient de « ne pas alourdir votre texte par l’abus de locutions passe-partout, telles que « pour autant que de besoin, en tant que, de par, à même de, à telles fins que de droit, dans le cadre de, dans le respect du Code judiciaire, en date, sur quoi » »[25]. L’avocat « qui veut être vite et bien compris, s’applique à rédiger un texte clair et structuré, qui favorise la mémorisation du contenu par le client. À cette fin, rappelons que l’avocat :

  • met l’essentiel au début du texte ;
  • compose des phrases relativement courtes, comptant de quinze à vingt mots ;
  • construit des phrases simples : sujet-verbe-complément ;
  • réduit ou supprime les écrans formés de groupes de mots placés entre le sujet et son verbe ;
  •  préfère, si possible, les verbes conjugués à la voix active : « on a réduit les frais généraux de 4 % plutôt que « les frais généraux ont été réduits de 4 % » ;
  • lie les phrases et le raisonnement par des termes d’articulation : « c’est pourquoi, donc, … » ;
  • ponctue avec soin ;
  • allège le texte ».

Enfin, le dixième et dernier conseil est de remplacer, dans la mesure du possible, les anglicismes par leurs équivalents français[26].

Me David BLONDEEL & Me Julien LAURENT


[1]A propos de la contribution de M. Lenoble-Pinson, « Chapitre 2 – « Capter » le client, « captiver » le client », in Rédiger en droit, Bruxelles, Larcier, 2022, pp. 317 à 350. Les notes infrapaginales subséquentes se rapportent toutes à cette source.

[2] p. 317

[3] P. 317

[4] p. 318

[5] p. 318

[6] p. 318

[7] p. 319

[8] p. 319

[9] p. 320

[10]p. 320

[11]p. 323

[12]p. 329

[13]pp. 330-331

[14]p. 331

[15]p. 331

[16]p. 332

[17]p. 332

[18]pp. 333-334

[19]pp. 334-335

[20]p. 335

[21]p. 336

[22]« Comme procédé oratoire, la répétition agit directement dans l’argumentation alors que, dans une démonstration écrite et dans le raisonnement scientifique, elle n’apporte rien » (p.339).

[23]p. 340

[24]p. 342

[25]p. 342

[26]p. 346

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