27/07/2022

Dirigeant d’entreprise : solder son compte courant via un « rachat d’actions propres » constitue-t-il une opération risquée ?

Une personne qui est à la fois actionnaire et dirigeant de son entreprise peut, pour diverses raisons, être amené à emprunter des liquidités à sa société. Cette dernière établit alors un compte courant « débiteur » dont le dirigeant remboursera le solde, en principe endéans l’exercice d’imposition, sous peine de devoir s’acquitter du paiement d’intérêts calculés selon les règles fiscales.

Il arrive cependant qu’un dirigeant ne soit pas en mesure de rembourser ce compte courant. La situation peut alors rapidement devenir « bloquante », en particulier lorsque la société souhaite solliciter un financement bancaire ou accueillir un nouvel actionnaire.

Le dirigeant soucieux d’offrir des perspectives à sa société et d’apurer ses dettes doit alors se montrer créatif. Dans ce contexte, il envisage notamment de céder une partie de ses actions à sa société, dans le cadre d’une opération communément appelée « rachat d’actions propres » (même si le terme « acquisition d’actions propres » serait plus adéquat).

Principe de l’opération

Concrètement, le dirigeant d’entreprise qui détient des actions de la société qu’il administre revend une partie de ces actions à ladite société afin créer une créance à son profit.

Le prix de la cession est, à quelques euros près, égal au montant de son compte courant de façon à opérer à une compensation entre ces montants.

Au terme de l’opération, le dirigeant a soldé son compte courant par l’effet de la compensation, sans avoir dû rembourser effectivement le montant de sa dette en compte courant.

Formalités

Dans les grandes lignes le régime est conditionné au respect de quatre conditions principales :

  • décision de l’assemblée générale des actionnaires : le rachat d’actions est subordonné à une autorisation/habilitation de l’assemblée générale, qui statue dans le respect des conditions de quorum (1/2) et de majorité (3/4) requises pour modifier les statuts ;
  • financement de l’acquisition et constitution d’une réserve indisponible égale à la valeur des actions : les sommes affectées à l’acquisition doivent correspondre à des bénéfices distribuables, en tenant compte de la limite légale applicable à toute distribution (tests de liquidité & de solvabilité s’il s’agit d’une SRL) ;
  • actions entièrement libérées : seules ces actions peuvent être acquises ;
  • égalité de traitement des actionnaires : l’offre de rachat doit s’adresser, aux mêmes conditions, à tous les actionnaires sans exception.

Il existe un certain nombre d’exceptions à ces conditions[1], dont la principale concerne les sociétés anonymes dont les actions sont acquises en vue de leur destruction immédiate, en exécution d’une décision de l’assemblée générale de réduire le capital.

Enfin, alors qu’avant l’adoption du Code des Sociétés & des associations (CSA), le rachat d’actions propres était limité à 20% du capital souscrit, cette limitation a été levée sur le plan du droit des sociétés mais elle demeure en vigueur fiscalement.

Fiscalité

L'article 186, al. 1er CIR dispose que « lorsqu’une société acquiert de quelque façon que ce soit ses propres actions ou parts, l'excédent que présente le prix d'acquisition ou, à défaut, la valeur de ces actions ou parts, sur la quote-part de la valeur réévaluée du capital libéré représenté par ces actions ou parts, est considéré comme un dividende distribué ».

L'article 186, al. 2, CIR précise que, si l’acquisition des actions propres est conforme aux conditions prescrites par le CSA, l'alinéa 1er est uniquement d'application dans les limites et les cas suivants :

  • des réductions de valeur sont actées sur les actions (à concurrence de la réduction) ;
  • les actions sont aliénées avec une moins-value (à concurrence de la moins-value) ;
  • les actions sont annulées ou nulles de plein droit (à concurrence de la valeur d'inventaire) ; et
  • au plus tard lors de la dissolution ou de la mise en liquidation de la société actionnaire (à concurrence du solde de la valeur des actions propres en ses livres).

Le cas échéant, la différence entre la valeur que représentent ces actions dans le capital réellement libéré de la société et le prix de cession sera traitée comme un boni de liquidation/un dividende, que nous nommerons ici « boni de rachat ». Ce dernier sera comptabilisé dans une réserve indisponible constituée par prélèvement sur les réserves taxées ou exonérées.

Le précompte mobilier de 30% sera prélevé sur ce boni de rachat dès le moment où l’acquisition des actions propres entrainera une réduction effective des fonds propres de la société.

Il en résulte que, si les actions aliénées ne sont pas immédiatement annulées à la suite de l’opération et demeurent conservées au bilan, on ne peut considérer qu’il y a eu mise en paiement/attribution d’un dividende. L’opération est donc neutre fiscalement et aucun précompte mobilier n’est prélevé sur le prix de cession des actions aussi longtemps que la destruction/l’aliénation des actions n’a pas eu lieu.

En cas revente ultérieure des actions par la société, la plus-value réalisée entre la valeur en capital et le prix de cession de ces actions sera, en principe, considérée du bénéfice imposable à l’impôt des sociétés, sous réserve d’application d’un régime d’exonération.

Mode de constitution de la réserve indisponible

La réserve indisponible constituée par un prélèvement sur les réserves exonérées est soumise à l’impôt des sociétés car la condition d’intangibilité de l’article 190 CIR n’est plus respectée.

Si la réserve indisponible est constituée par prélèvement sur le capital libéré et les réservées taxées, il n’y a pas de taxation à l’impôt des sociétés ; seul le précompte mobilier est éventuellement prélevé.  

La règle fiscale des 20%

Les actions propres acquises par la société qui dépassent le seuil de 20% du total de ses actions, sont considérées comme détruites sur le plan fiscal.

Le dirigeant d’entreprise & actionnaire qui entendrait rembourser son compte-courant en revendant à sa société plus de 20% de ses actions propres serait confronté aux difficultés suivantes :

  • la valeur des actions dépassant le seuil sera imposée comme un dividende au taux de précompte mobilier de 30% et entraînera une réduction de capital à due concurrence ;
  • aussi longtemps que les actions dont la valeur dépasse le seuil ne sont pas détruites, leur valeur fiscale au bilan sera réputée nulle ; et
  • la valeur de ces actions au bilan constitue une plus-value non-réalisée.

Le risque d’abus fiscal au regard de l’important article 344 CIR

Par le passé, l’administration fiscale voyait d’un mauvais œil qu’un dirigeant d’entreprise recueille des liquidités de sa société taxées au taux préférentiel de 10%.

Elle s’était alors aventurée dans une croisade juridique pour tenter d’établir que l’opération de rachat d’actions propres constituait un acte juridique simulant la volonté réelle des actionnaires de percevoir des dividendes et, partant, elle requalifiait l’opération en distribution de dividendes.

La Cour de cassation est depuis lors intervenue en rappelant qu’il ne peut y avoir simulation dès lors que les parties respectent les conséquences financières et juridiques de leurs actes. Le cas échéant, il relève du choix licite du contribuable d’opter pour la voie la moins imposée.

Par ailleurs, l’évolution du contenu la disposition anti-abus et la généralisation du précompte mobilier à 30% ont largement contribué à refroidir les ardeurs de l’administration.

Ceci étant, il demeure prudent de bien structurer ce genre d’opération, en particulier lorsqu’il existe un risque fiscal qui ne se limite pas à la nullité d’un acte et est susceptible d’entrainer des conséquences financières.

Dans cette perspective et à cette fin, Me David Blondeel et son équipe d’avocats spécialisés en droit des sociétés se tiennent à votre entière disposition pour vous épauler dans ce genre d’opérations. N’hésitez pas à nous contacter.

Me David Blondeel et Monsieur Eddy Sobry


[1] Mais, aussi longtemps que les actions sont comptabilisées à l'actif du bilan, la société doit, en tout état de cause, constituer une réserve indisponible, dont le montant est égal à leur valeur.

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