Un entrepreneur peut-il imposer une modification de prix en cours de chantier pour tenir compte de la hausse des prix de l’énergie et des matières premières ?
A priori, la réponse est négative, dès lors qu’une partie ne peut modifier unilatéralement les éléments essentiels de son contrat, en ce compris le prix, après la conclusion de celui-ci. Cette interdiction est la conséquence de l’intangibilité du contrat, qui se déduit du principe de la convention-loi consacré par l’article 1134 du Code civil[1].
Cela étant rappelé, l’entrepreneur n’est pas pour autant dépourvu de moyens légaux ou conventionnels face aux circonstances imprévisibles menaçant l’équilibre, voire la rentabilité, du contrat. A cet égard, la clause de révision de prix constitue incontestablement l’outil le plus efficace.
Néanmoins, pour sortir ses effets, cette clause doit respecter les articles VI.83, 2°, 3° (entre entreprises & consommateurs) et VI.91/5, 1° (entre entreprises) du Code de droit économique, dont la raison d’être est d’empêcher une partie de modifier le prix sur une base purement discrétionnaire, en invoquant des éléments dépendant uniquement de sa volonté.
En d’autres termes, ne sont pas proscrites les clauses qui permettent de modifier le prix sur la base de critères objectifs déterminés contractuellement, tels que le coût des matières premières, les variations du prix officiel du carburant ou même les modifications du cadre législatif[2].
A côté du Code de droit économique, il faut également tenir compte de la loi du 30 mars 1976, qui rappelle l’exigence de paramètres objectifs de révision du prix (« paramètres représentants des coûts réels ») et interdit les augmentations à concurrence d’un montant supérieur à 80% du prix final[3].
En outre, si cette loi interdit également toute formule d’indexation des prix industriels/commerciaux liée à l’indice des prix à la consommation ou à tout autre indice, le législateur a prévu diverses exceptions, notamment dans le secteur de la construction ; tel est le cas de la clause de révision de prix visée par la Loi Breyne[4], qui est basée sur des indices relatifs au marché des matières premières (uniquement applicable pour les contrats « clés sur porte ») [5].
Enfin, pour qu’une clause de révision de prix soit efficace, vous devez veiller à sa rédaction claire et précise, sur la base de critères objectifs conformes aux prescrits légaux, et à son exécution de bonne foi, notamment en informant en temps utile votre client de la hausse des prix et en vous ménageant la preuve de son accord sur la clause et l’augmentation au regard du devis initial.
Qu’en est-il si vous n’avez prévu aucune protection contractuelle ? Vous devrez négocier habillement avec votre client, étant entendu que l’article 5.74 en projet du nouveau Code civil devrait a priori apporter un certain soulagement au débiteur victime « de circonstances rendant excessivement onéreuse l’exécution du contrat »[6].
Pour conclure, vous l’aurez sans doute compris, le moyen le plus efficace contre la hausse des prix est de prévoir d’excellents contrats incluant une clause de révision de prix/indexation adaptée à vos activités et conforme aux exigences légales. A l’inverse, si on tente de vous imposer une hausse des prix, ayez comme premier réflexe, afin de vérifier sa légalité, de lire attentivement le contrat. En cas de doute ou d’inquiétude, prenez l’avis de votre conseil, qui vous apportera quiétude et sérénité.
Me David Blondeel & Me Fabien Smets
[1] Voir aussi les articles 5.69 et 5.70 de la proposition de loi portant le Livre 5 « Les obligations » du Code civil, telle qu’adoptée en première lecture par la Commission de la justice de la Chambre le 11 mars 2022 (Chambre, Doc. Parl. 55 1806/006).
[2] M. HOUBBEN, « Les clauses abusives potestatives », in Les clauses abusives B2B après la loi du 4 avril 2019 : Comparaison avec le B2C et implications pratiques, E. DE DUVE et R. JAFFERALI (dir.), Limal, Anthemis, 2020, pp. 219 et 233.
[3] Article 57 de la loi du 30 mars 1976 relative aux mesures de redressement économique.
[4] Loi du 9 juillet 1971 réglementant la construction d’habitations et la vente d’habitations à construire ou en voie de construction.
[5] Voir article 1er de l’arrêté royal du 21 octobre 1971 portant exécution de la loi du 9 juillet 1971 réglementant la construction d’habitations et la vente d’habitations à construire ou en voie de construction.
[6] Article 5.74 de la proposition de loi portant le Livre 5 « Les obligations » du Code civil, telle qu’adoptée en première lecture par la Commission de la justice de la Chambre le 11 mars 2022 (Chambre, Doc. Parl. 55 1806/006).