29/11/2021

Je suis administrateur d’une société ou association : dans quelles circonstances ma responsabilité personnelle est-elle engagée ?

En tant qu’avocats spécialisés en matière de sociétés et associations, nous sommes régulièrement confrontés à des situations délicates relatives à la mise en cause de la responsabilité des administrateurs, trop souvent pas ou peu avertis du fait qu’ils engagent leur responsabilité personnelle en cas de faute dans l’exercice de leur mandat d’administrateur de société ou d’association.

La responsabilité des administrateurs est une matière ayant fait l’objet de nombreux développements et controverses au cours des dernières années. Il n’est donc pas toujours aisé de comprendre à quoi s’engage exactement un administrateur d’une société ou association.

Dans ce contexte, le Code des sociétés et des associations, ci-après « CSA », apporte de grands changements dans cette matière par rapport à l’ancien Code des sociétés. Bien qu’il instaure un régime général de responsabilité des administrateurs, il subsiste toujours des spécificités pour chaque forme d’entreprise. La difficulté réside donc dans le caractère épars des dispositions engageant ou dérogeant à la responsabilité des administrateurs.

Par souci de clarté et de cohérence, nous nous limiterons à l’analyse du régime général de la responsabilité des administrateurs.

Ce régime s’applique à toutes les personnes morales régies par le CSA, sauf dérogation expresse dans les livres suivants du Code[1]. Il concerne les membres d’un organe d’administration, les délégués à la gestion journalière mais également toute autre personne qui détient ou a détenu le pouvoir de gérer effectivement la personne morale, alors nommé « administrateur de fait ».[2]

De l’analyse dudit régime général, il ressort que l’administrateur peut, notamment (les causes étant nombreuses), voir sa responsabilité engagée en cas de :

1.Faute de gestion : les administrateurs sont « responsables envers la personne morale des fautes commises dans l’accomplissement de leur mission »[3], mission qui leur est bien entendu confiée par l’Assemblée générale. Si la faute commise présente un caractère extracontractuel, cette responsabilité est également engagée envers les tiers. La faute est appréciée par le juge selon le critère des administrateurs normalement prudents et diligents placés dans les mêmes circonstances. Face à une faute de gestion, le CSA instaure une solidarité entre les membres des organes collégiaux, sauf si un administrateur démontre qu’il n’a pas participé personnellement à la faute ou qu’il a dénoncé celle-ci aux autres administrateurs de l’organe collégial. L’administrateur, ou chaque administrateur en cas de présence d’un organe collégial, est donc tenu de réparer le dommage causé par ladite faute.

L’action en responsabilité peut être intentée par l’assemblée générale de la société ou de l’association, au nom et pour compte de la société ou association, (actio mandati)[4] ou par les actionnaires minoritaires ayant au moins 10% du nombre d’actions émises le jour de l’assemblée générale (action minoritaire pour une SRL)[5], ou 1% des voix attachées à l'ensemble des titres existants le jour de l’assemblée générale ou possédant à ce même jour des titres représentant une fraction du capital égale à 1.250.000 euros au moins (action minoritaire pour une SA) [6], ou encore par tout tiers intéressé si la faute commise présente un caractère extracontractuel. Celle-ci se prescrit par 5 ans.

2. Violations des dispositions du CSA, des statuts, de l’arrêté d’exécution du CSA[7], de l’arrêté royal du 4 août 1996[8] ou encore de la loi du 22 décembre 1995[9]. Dans ces cas, la responsabilité des administrateurs est solidaire, même dans l’hypothèse où il n’y a pas d’organe collégial. Les administrateurs sont donc tenus de réparer le dommage résultant de cette violation. Mais de quoi parlons-nous précisément ? Vous avez conclu un contrat en dehors de l’objet social de la société ou sans pouvoir de représentation valable ? Vous avez distribué des dividendes sans avoir au préalable vérifier si la société était en mesure de payer ses dettes dans les 12 prochains mois ? (art. 5:142 & 6:115 CSA) Vous n’avez pas actionné la procédure de la sonnette d’alarme ? (art. 5:153, 6:119 et 7:228 du CSA) Vous n’avez pas déposé les comptes annuels à la BNB dans les délais prévus par le CSA ? (art. 3:10 du CSA) Ce sont quelques exemples à garder à l’œil, le CSA prévoit en effet de multiples causes de responsabilités des administrateurs dans le cadre des différentes procédures qui intéressent les sociétés et associations.

3. Faute grave et caractérisée dans le mécanisme d’action en comblement de passif : Pour toute entreprise dont le chiffre d’affaires annuel moyen excède 620.000€ au cours des trois exercices précédant la faillite et dont le total du bilan au terme du dernier exercice dépasse 370.000€, la responsabilité des administrateurs est engagée en cas de faute grave et caractérisée lorsque cette dernière a contribué ou a causé la faillite de l’entreprise[10]. L’article XX.225 du CSA précise que « est réputée faute grave et caractérisée toute fraude fiscale grave, organisée ou non, au sens de l'article 5, § 3, de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux ». Si une telle faute est imputable à l’administrateur, ce dernier peut être tenu de supporter tout ou une partie des dettes sociales. Dans le cas où plusieurs administrateurs sont condamnés, ils peuvent être tenus solidairement ou non, selon l’appréciation du juge.

4. Non-paiement des cotisations sociales : La responsabilité des administrateurs est engagée lorsque, au moment de la faillite, l’entreprise est encore redevable de cotisations sociales et/ou d’intérêts de retard, ou dans le cas où deux faillites ou liquidations précèdent la présente faillite, endéans les cinq dernières années[11]

5. La poursuite déraisonnable d’une activité : La responsabilité des administrateurs, excepté pour ceux agissant pour une petite structure sociale, peut être engagée « si, à un moment donné antérieur à la faillite, la personne concernée savait ou devait savoir qu’il n’y avait manifestement pas de perspective raisonnable pour préserver l’entreprise ou ses activités et d’éviter une faillite »[12].Le critère repris pour apprécier le caractère raisonnable est celui de l’administrateur normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances. Si la faute est imputable à un administrateur, il pourra être tenu de payer tout ou une partie des dettes sociales, tenus solidairement ou non avec d’autres administrateurs selon l’appréciation du juge.

6. Non-paiement du précompte professionnel ou de la TVA : La responsabilité des administrateurs est engagée lorsqu’ils ne paient pas ces impôts en commettant une faute[13].L’ensemble de ces fautes peuvent se cumuler avec la responsabilité de droit commun[14]. Les administrateurs peuvent donc être tenus responsables pour un manquement à une obligation générale ou encore une obligation de prudence et vigilance qui s’imposent à tous. Les administrateurs sont d’ailleurs  responsables solidairement de leur faute commune, c’est-à-dire que le créancier pourra exiger que son dommage soit entièrement réparé par un administrateur seulement lorsqu’une faute a été commise par plusieurs administrateurs, et in solidum de leurs fautes concurrentes[15], à savoir qu’un créancier pourra obtenir la réparation intégrale de son dommage en s’adressant à un seul des administrateurs fautifs (ce dernier se retournera alors sur les autres), alors que plusieurs administrateurs ont commis une faute distincte dont résulte un seul et unique dommage. Il convient de préciser que le CSA a instauré des plafonds limitant la responsabilité des administrateurs.[16]

Ces plafonds varient entre 125.000€ et 12 millions d’euros, selon le chiffre d’affaires et le bilan de la société au cours des trois dernières années. Ils sont applicables à tout type de faute de l’administrateur, que ce soit à l’égard de la personne morale ou des tiers. Cependant, ce plafonnement ne s’applique pas en cas de faute légère présentant un caractère habituel, en cas de faute grave, d’intention frauduleuse ou à dessein de nuire. Il ne concerne pas non plus la faute de non-paiement du précompte professionnel ou de la TVA ni le non-paiement des cotisations sociales en cas de faillite. Il n’est pas davantage  applicable à certaines obligations imposées par les articles 5:138, 6:111 et 7:205 du CSA. Par exemple, si vous êtes administrateur d’une société, dont le chiffre d’affaires moyen ne dépasse pas 700.000€ et dont le total du bilan moyen est inférieur à 350.000€, et  avez commis une faute de gestion légère et occasionnelle, votre responsabilité ne pourra être engagée qu’à concurrence d’un montant de 250.000€ maximum, et ce pour l’ensemble des actions en responsabilité portées contre vous. Un administrateur peut également être tenu responsable d’une infraction aux dispositions du Code pénal ou de lois pénales particulières le concernant.

Vous l’aurez compris, la responsabilité des administrateurs n’a cessé d’évoluer au cours des dernières années. A l’heure actuelle, les administrateurs sont de plus en plus interpellés dans l’exercice de leur mission. Ils doivent répondre à un grand nombre d’obligations, sous peine de voir leur responsabilité engagée.

Si vous souhaitez être accompagné d’avocats spécialisés en droit des sociétés et associations pour toutes vos questions concernant votre société ou association ou votre responsabilité à son égard et prévoir un plan de vérification de conformité de vos obligations, n’hésitez pas à prendre contact avec notre cabinet pour être conseillé et/ou défendu par nos avocats spécialisés en responsabilité des administrateurs. De même, si vous désirez mettre en cause la responsabilité d’un administrateur, nos avocats en droit des sociétés et associations spécialisés en la matière pourront vous aider à préparer votre dossier, tenter – dans la mesure du possible - une négociation et intenter – si nécessaire - une action judiciaire en responsabilité de l’administrateur ou des administrateurs concernés


[1] CSA, art. 2:1.

[2] O. Caprasse et L. Léonard, « Les principes généraux de la réforme », Le Code des sociétés et des associations : Introduction à la réforme du droit des sociétés, R. Aydogdu et O. Caprasse (dir.), Limal, Anthemis, 2018, p. 34.

[3] CSA, art. 2:56.

[4] CSA, art. 5:103, 6:88 et 7:156.

[5] CSA, art. 5:104 et 6:89.

[6] CSA, art. 7:157.

[7] Arrêté royal du 29 avril 2019 portant exécution du Code des sociétés et des associations, M.B., 30 avril 2019.

[8] Arrêté royal du 4 août 1996 relatif au bilan social, M.B., 30 août 1996.

[9] Loi du 22 décembre 1995 portant des mesures visant à exécuter un plan pluriannuel pour l’emploi, M.B., 30 décembre 1995.

[10] Code de droit économique, art. XX.225.

[11] Code de droit économique, art. XX.226.

[12] Code de droit économique, art. XX.227.

[13] Code des impôts sur les revenus, art. 442quater et Code de la taxe sur la valeur ajoutée, art. 93undecies.

[14] Code civil, art. 1382 et 1383.

[15] D. Gol et C. Duvieusart, « La responsabilité des administrateurs : questions choisies », Le nouveau droit des sociétés en pratique : Questions choisies, V. Palm (dir.), Limal, Anthemis, 2021, p. 241.

[16] CSA, art. 2:57.

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