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19
mai
2023

La rédaction de conclusions et la théorie des dominos

Les règles du Code judiciaire pouvant paraitre complexes et techniques pour les profanes, cet article non exhaustif a pour objet de vous permettre de comprendre le principe des conclusions et de la mise en état d’un dossier, tout en évitant de tomber dans certains pièges, tendus par des avocats peu scrupuleux, concernant ce qu’il est convenu d’appeler « la théorie des dominos ».

Dans le cadre d’une procédure judiciaire, si les parties ne fixent pas elles-mêmes leur calendrier amiable d’échange de conclusions, soumis au juge, c’est la juridiction elle-même qui, par une ordonnance rendue dans un délai de six semaines, détermine les délais à respecter et fixe la date et la durée des plaidoiries. Après réception de cette ordonnance, les parties doivent, à tour de rôle et successivement, « conclure » dans les délais précisés.

Les conclusions peuvent être définies comme des écrits dans lesquels les parties exposent leurs prétentions ainsi que les arguments de droit et de fait qu’elles invoquent à l’appui de celles-ci. Elles comprennent cinq parties dans une structure qu’il y a lieu de respecter scrupuleusement :

  1. identification des parties et de la cause (numéro de rôle et chambre saisie) ;
  2. exposé des faits, qui doit être rédigé en respectant une certaine objectivité (les interprétations desdits faits doivent être développés au point n°4) ;
  3. prétentions des parties, c’est-à-dire ce que chacune des parties demandent dans le cadre de la procédure ;
  4. argumentation en fait et en droit (développement des moyens) ; le moyen peut être défini, en droit judiciaire, comme l’énoncé d’un « raisonnement juridique d’où la partie entend déduire le bien-fondé d’une demande ou d’une défense » ; l’article 744, al. 1, 3° du Code judiciaire précise que les parties doivent indiquer leurs moyens en les numérotant s’il y en a plusieurs ; elles doivent donc clairement identifier et séparer chaque moyen ; la sanction réside dans le fait que le juge n’a pas l’obligation de répondre aux moyens mal structurés (art. 780, al. 1, 3°) ;
  5. dispositif, qui est le résumé des prétentions de la partie qui les a rédigées ; il reprend précisément ce qui est demandé au juge.

Après avoir rédigé ses conclusions, il est primordial de les communiquer correctement à l’ensemble des personnes concernées par la procédure. En effet, si les conclusions ne sont pas envoyées à la partie adverse et remise au greffe dans les délais prévus, celles-ci sont écartées d’office des débats sauf accord des parties sur ce point, sur base de l’article 747 §4 du Code judiciaire.

Il arrive qu’une partie ayant laissé passer le délai imparti sans conclure profite du délai prévu pour ses prochaines conclusions pour rattraper sa négligence. Elle rédige alors des conclusions qui contiennent la totalité de son argumentation alors que l’essentiel aurait déjà dû être énoncé dans ses premières conclusions, qu’elle a volontairement omis de rédiger. Ce procédé déstabilise l’adversaire, qui voit soudain apparaître une argumentation complète, à un stade avancé de la procédure où il ne peut parfois plus conclure pour répliquer aux arguments évoqués.

La doctrine a vigoureusement condamné cette pratique[1] mais la Cour de cassation a rappelé, dans plusieurs arrêts[2] que l’absence de conclusions principales ne prive pas définitivement la partie du droit de conclure additionnellement.

Tout est question de cas d’espèce et il n’y a pas lieu d’énoncer un principe rigide : le juge doit vérifier si, en pratique, dans le cadre du litige qui lui est soumis, la partie qui omet de conclure une première fois manque au respect de la loyauté procédurale. Le juge peut, notamment, considérer, à juste titre, qu’il n’y a pas de déloyauté lorsque la partie adverse dispose encore d’un ou plusieurs délais pour répondre aux conclusions déposées.

Si, en cours de procédure, vous vous défendez personnellement face à un avocat qui refuse un dépôt de vos dernières conclusions en invoquant que vous auriez dû conclure une première fois précédemment, contestez immédiatement ce courrier sur base des informations et jurisprudences de la Cour de cassation reprises ci-dessus.

En conclusion, il demeure néanmoins important de déployer ses meilleurs efforts pour respecter l’ensemble des délais prévus par l’ordonnance communiquée afin d’éviter tout stress inutile.

En outre, lorsque l’enjeu devient important, il demeure toujours préférable de faire appel à un cabinet d’avocats spécialisé, qui vous épaulera dans la gestion de votre dossier et de la procédure en cours.

Me David BLONDEEL & Me Jonathan MEY


[1] C’est ce que certains auteurs ont appelé la « théorie des dominos », par analogie avec les montages de dominos où la chute du premier entraîne tous les autres à sa suite. Voy. H. BOULARBAH et J-.F. VAN DROOGHENBROECK, « La mise en état des causes…perdues ? », J.T., 2000, pp. 813 et s.

[2] Cass., 8 avril 2016, J.L.M.B., 2016, p. 1559 ; Cass., 28 avril 2011, Pas., 2011, p. 1188 ; Cass., 4 décembre 2008, Pas., 2008, p. 2828 ; Cass., 27 novembre 2003, J.T., 2005, p. 418 ; Cass., 14 mars 2002, R.W., 2002-2003, p. 138 ; Cass., 11 juin 2015, J.T., 2015, p. 694.

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