La validité des clauses de non-concurrence lors d’une cession d’entreprise et leur durée maximale
Vous souhaitez acquérir un commerce tout en limitant les droits du vendeur sur son ancienne clientèle ? Vous souhaitez vérifier si la clause de non-concurrence que vous vous apprêtez à signer est valable ? Ce bref article vous propose un court résumé des règles élémentaires régissant cette matière.[1]
Concernant la validité des clauses de non-concurrence
La liberté d’entreprendre est consacrée et protégée par les article II.2 à II.4 du Code de droit économique, qui vise, globalement, à garantir cette liberté, de même que la loyauté des transactions économiques, tout en assurant un niveau élevé de protection des consommateurs.
En vertu de l’article II.3, « chacun est libre d'exercer l'activité économique de son choix. ». Aux termes de l’article II.4, « la liberté d'entreprendre s'exerce dans le respect des traités internationaux en vigueur en Belgique, du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité monétaire tel qu'établi par ou en vertu des traités internationaux et de la loi, ainsi que des lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs et des dispositions impératives. ».
En outre, la libre accession à la clientèle est également confirmée par la doctrine[2] et par la jurisprudence[3]. Dès lors, bien que des restrictions au principe de la liberté d’entreprendre soient possibles, compte tenu de la liberté contractuelle des parties, celles-ci ne sont pas sans limites.
Le critère déterminant est le suivant : la durée d'application de la clause doit être suffisante pour permettre à son bénéficiaire de s'attacher la clientèle de manière durable.[4]
Une clause qui impose une limitation excessive de la concurrence quant à l'objet, au territoire ou à la durée est nulle. Le juge peut, si une nullité partielle d'une telle clause est possible, en limiter la nullité à la partie contraire à l'ordre public, pour autant que le maintien de la clause partiellement annulée réponde à l'intention des parties.[5]
Par conséquent, la clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps, dans l’espace et quant à son objet (c'est-à-dire quant aux activités interdites).[6]
Ces limites doivent être raisonnables :
- à propos de la limite temporelle et de la limite spatiale, la doctrine retient qu’elle doit avoir « un effet qui permette à son bénéficiaire de s’attacher ou maintenir la clientèle concernée, et non davantage »[7] ;
- quant à la limite matérielle, la clause doit aussi permettre à son bénéficiaire de capter ou conserver sa clientèle. L’activité dont question doit viser la même clientèle et doit être celle effectivement exercée par l’entreprise concernée
Concernant la durée maximale des clauses de non-concurrence
En matière de cessions d'entreprise, la Commission européenne considère que les clauses de non-concurrence ne peuvent dépasser un délai de maximum trois ans.
A. CAPORALI et Q. SILVESTRE confirment cette position en ces termes :
« En matière de cession d'entreprise également, les lignes directrices « concentration » de la Commission européenne prévoient une durée théorique maximale pour les clauses de non-concurrence, qui est égale à 3 ans[8].
Les clauses de non-concurrence se justifient pour des périodes n'excédant pas trois ans lorsque la cession de l'entreprise inclut la fidélisation de la clientèle sous la forme à la fois du fonds commercial et du savoir-faire. »
Il ressort de la doctrine[9] que la pratique serait globalement en ligne avec cette durée théorique maximale et que la durée moyenne des clauses de non-concurrence incluent dans les transactions belges soit stable et égale à 3 ans. » (Je souligne) [10]
Les juridictions belges suivent également cette tendance ; dès lors une clause de non-concurrence de 10 ans dans le cadre d’une cession d’actions a été jugée excessive par la Cour d’appel de Gand ainsi que par le Président du tribunal de l’entreprise de Mons ce 18 juillet 2023[11], ce dernier faisant explicitement référence à la documentation européenne en la matière.
La Cour de cassation admet que le juge réduise la portée d'une clause de non-concurrence illicite « pour autant que le maintien de la clause partiellement annulée réponde à l'intention des parties »[12], ce qui n’est pas toujours le cas et dépend des situations de faits présentées aux Cours et Tribunaux.
En conséquence, il est impératif de veiller à rester mesuré lors de la rédaction d’une clause de non-concurrence afin d’éviter sa nullité, totale ou partielle. Le cabinet Centrius et ses avocats spécialisés en la matière sont tout à fait disposés à relire vos documents contractuels avant signature ou à vous assister en cas de litige.
Me David Blondeel & Me Jonathan Mey
[1]A propos de l’obligation de non-concurrence du vendeur d’actions, voy. aussi https://www.centrius.be/je-viens-dacquerir-les-actions-dune-societe-mais-je-crains-que-le-vendeur-fasse-concurrence-a-celle-ci-le-vendeur-est-il-soumis-a-une-obligation-generale-de-non-concurrence/. Quant à l’effet de la résolution judiciaire d’une convention sur la clause de non-concurrence qu’elle comporte, voy. https://www.centrius.be/quel-est-le-sort-dune-clause-de-non-concurrence-post-contractuelle-apres-la-resolution-judiciaire-de-la-convention-qui-la-contient/
[2] J. Ligot, F. Vandossele, O. Battard, Les protiques loyales, 2ème éd., Larcier, p. 160.
[3] Prés. Comm. Gand (cess.), 13 mai 1992, Ann. Prat. Com., 1992, p. 330 ; Prés. Comm. Namur (cess.), 29 avril 2009, Rev. rég. Dr., 2009, p. 525.
[4] Civ. Liège, 6 octobre 1994, J.L.M.B., 1995, p. 929.
[5] Cass. 25 juin 2015, J.T., 2015, p. 727.
[6] D. Gol et C. Duvieusart, « Les clause de non-concurrence en droit commun », in Les contrats commerciaux en pratique, Bruxelles, Larcier, 2016, pp. 230 et s.
[7] Ibidem, p. 241.
[8] Point 20 des Lignes Directrices Concentrations contenues dans : Communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration, J.O.U.E, 5 mars 2005, C 56, 5 mars 2005, pp. 24-31 (https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2005:056:0024:0031:FR:PDF).
[9] Voy. les différentes éditions du « M&A Survey », en particulier la 4e : B. BELLEN et alii, « M&A Survey – 4th edition », T.R.V., 2017, p. 251.
[10] A. Caporali et Q. Silvestre, « Les clauses de non-concurrence en droit du travail et en droit économique », Larcier, 2020, p. 243.
[11] Gand, 25 mai 2005, D.A.O.R.¸2005, p. 334 ; Trib. Ent. Mons (comme en référé), 18 juillet 2023 inédit.
[12] Cass., 25 juin 2015, J.T., 2015, p. 727.
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CENTRIUS
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