Skip to content
19
novembre
2021

Le copyright trolling

Droit d’auteur

De nos jours, presque tout le monde met des publications sur l’Internet que ce soit sur des sites web ou sur les réseaux sociaux. La tentation est grande d’agrémenter ces publications par des images, des vidéos ou de la musique. D’autant qu’il est très facile de trouver celles-ci sur le Web.

Il faut cependant être très prudent et bien vérifier, avant de télécharger et d’utiliser une image, une vidéo ou un extrait musical si ceux-ci sont « libres de droit » car toutes les œuvres sont protégées par les droits d’auteur si les conditions de ceux-ci trouvent à s’appliquer. « Libre de droit » ne veut donc pas dire que l’œuvre n’a pas d’auteur mais simplement que l’auteur a accepté que son œuvre soit librement utilisée par tout un chacun.

Cette vérification préalable s’impose d’autant plus que la présentation d’images libres de droit sur des sites web n’exclut pas toujours des abus, soit de la part de ces sites, soit de la part des individus qui postent des œuvres sur lesquelles ils ne disposent pas nécessairement des droits. Votre bonne foi peut donc être surprise.

Si vous utilisez une œuvre sans avoir préalablement obtenu l’accord de l’auteur (le plus souvent par le biais d’une licence d’utilisation qui vous est octroyée par l’auteur ou par une société à laquelle celui-ci a cédé ses droits), vous commettez une violation des droits d’auteur et vous êtes passible de sanctions même si vous êtes de bonne foi.

La première de ces sanctions sera l’obligation de retirer l’œuvre utilisée sans droit (ce que vous ferez bien évidemment immédiatement). La seconde, moins agréable, consiste en la réclamation d’indemnités qui peuvent parfois s’avérer fort élevées.

Et c’est ici qu’interviennent les sociétés de « copyright trolling » (troll de droits d’auteur en français) plus particulièrement pour ce qui concerne les œuvres graphiques (images, photographies,…).

Ces sociétés sont généralement mandatées par des agences de presse ou des sociétés qui acquièrent des droits sur des images et elles disposent d’une intelligence artificielle qui scanne l’internet à la recherche de correspondances aux images qui se trouvent dans leur banque de données.

Lorsqu’elle a trouvé une image correspondante, la société de « copyright trolling » recherche l’identité et les coordonnées du contrevenant, lui adresse une mise en demeure de cesser d’utiliser l’image litigieuse et lui réclame une indemnité qui souvent dépasse de très loin les sommes qui sont habituellement demandées pour la licence d’utilisation d’une image.

Ces mises en demeure sont généralement très agressives et elles invitent leurs destinataires à payer l’indemnité réclamée dans des délais très brefs sous menace de poursuites judiciaires pour contrefaçon du droit d’auteur. Il s’agit d’une stratégie d’intimidation qui vise à effrayer la personne concernée afin qu’elle paye la somme réclamée pour éviter des frais encore plus importants.

Si vous recevez ce genre de mise en demeure, il ne faut pas céder à la panique (c’est l’objectif visé par les trolls). En général ces sociétés vous mettent en demeure sans rien justifier. Elles se présentent comme titulaires du droit d’auteur ou comme représentantes du titulaire mais ne justifient rien. C’est bien évidemment la première chose à contrôler.

La seconde vérification à effectuer concerne l’originalité de l’image. En effet, les législations sur les droits d’auteur ne protègent que les images qui présentent un caractère original, c’est-à-dire qui contiennent l’empreinte de la personnalité de leur auteur.

Enfin, la dernière chose à vérifier est la preuve de la contrefaçon. Elle est généralement aisée puisqu’il suffit d’une copie d’écran de la publication contrevenante.

Si, après ces vérifications, il s’avère que la société qui vous interpelle dispose bien du droit d’agir en protection du droit d’auteur, que l’image tombe effectivement sur la protection de la Loi et que vous avez malheureusement utilisé une image contrefaite, il ne faut pas pour autant payer le montant réclamé qui est bien souvent exorbitant puisque les indemnités réclamées vont bien au-delà de ce que vous auriez dû payer si vous aviez acquis une licence d’utilisation de l’image.

Dans un arrêt prononcé le 21 juin 2021, la Cour de Justice de l’Union Européenne a épinglé la légalité de la démarche de « copyright trolling » dans les termes suivants :

« S’agissant du troisième volet de sa deuxième question, la juridiction de renvoi nourrit des doutes, en substance, sur la recevabilité de la demande d’information de Mircom, présentée en vertu de l’article 8 de la directive 2004/48, dans la mesure où cette société n’utiliserait pas sérieusement les droits qu’elle a acquis des producteurs de films en cause au principal. En outre, il convient de comprendre que, en évoquant la possibilité de qualifier Mircom de « troll du droit d’auteur » (copyright troll), la juridiction de renvoi soulève, en substance, la question de l’existence d’un éventuel abus de droit par Mircom.

Par ailleurs, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, en tout état de cause, s’il y a un usage abusif par Mircom des mesures, des procédures et des réparations, au sens de l’article 3 de la directive 2004/48 ainsi que, le cas échéant, de refuser la demande présentée par cette société.

En effet, l’article 3 de la directive 2004/48 impose une obligation générale de veiller notamment à ce que les mesures, les procédures et les réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle visés par cette directive, dont le droit d’information visé à l’article 8 de celle-ci, soient loyales et équitables ainsi qu’appliquées de manière à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif.

Or, l’éventuel constat d’un tel abus relève pleinement de l’appréciation des faits au principal et, donc, de la compétence de la juridiction de renvoi. Celle-ci pourrait notamment, à cette fin, examiner le mode opératoire de Mircom, en évaluant la manière dont celle-ci propose des solutions amiables aux contrevenants présumés et en vérifiant si elle introduit réellement des actions en justice en cas de refus de solution amiable. Elle pourrait également examiner s’il apparaît, au regard de l’ensemble des circonstances particulières du cas d’espèce, que Mircom tente en réalité, sous couvert de propositions de solutions à l’amiable en raison de prétendues contraventions, à extraire des revenus économiques de l’affiliation même des utilisateurs concernés à un réseau de pair à pair (peer-to-peer) tel que celui en cause, sans chercher spécifiquement à combattre les atteintes au droit d’auteur que ce réseau provoque.

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que la directive 2004/48 doit être interprétée en ce sens qu’une personne contractuellement titulaire de certains droits de propriété intellectuelle, qui ne les utilise cependant pas elle‑même, mais se borne à réclamer des dommages-intérêts à des contrevenants présumés, est susceptible de bénéficier, en principe, des mesures, des procédures et des réparations prévues au chapitre II de cette directive, à moins qu’il ne soit établi, en vertu de l’obligation générale prévue à l’article 3, paragraphe 2, de celle-ci et sur la base d’un examen global et circonstancié, que sa demande est abusive. En particulier, s’agissant d’une demande d’information fondée sur l’article 8 de ladite directive, elle doit être également rejetée si elle est injustifiée ou non proportionnée, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. »

En clair, le juge saisi d’une action en paiement d’indemnités de la part d’une société qui se livre au « copyright trolling », après avoir vérifié les conditions d’application des droits d’auteur dans le cas qui lui est soumis, doit également vérifier si le droit d’auteur n’est pas détourné de ses objectifs et n’est pas utilisé, de manière abusive, à des fins qui lui sont totalement étrangères. L’objectif du troll n’est en effet pas de veiller à la protection des droits d’auteur mais à obtenir des indemnités importantes qui génèrent des revenus importants. Il ne s’agit pas d’une démarche juridique mais purement économique. S’il y a abus de droit, la sanction sera de priver le réclamant de l’exercice de ce droit ou, à tout le moins, de le réduire à de plus justes proportions.

Même si les conditions de la violation du droit d’auteur sont réunies, il est donc toujours possible de contester l’indemnité qui est réclamée.

Un dernier point : si vous avez confié à un webmaster la réalisation de votre site web et que celui-ci a utilisé, pour celui-ci, une image qui n’est pas libre de droit, vous pouvez bien entendu vous retourner contre celui-ci qui a commis une faute. L’idéal est bien entendu que la convention signée avec le Webmaster stipule expressément que celui-ci est responsable de toute violation des droits d’auteur qui apparaîtrait de la réalisation du site web.

En cas de procédure judiciaire, vous pourrez donc appeler le webmaster en garantie pour qu’il soit condamné à payer toutes les sommes qui vous seraient réclamées en principal, intérêts et frais. Mais cela ne vous dispense pas de faire valoir vos droits et de contester tout ce qui peut l’être. Il est d’ailleurs recommandé de l’impliquer dans la contestation (voire la négociation) dès la réclamation de l’indemnité pour violation du droit d’auteur puisqu’en fin de compte c’est lui qui devra supporter le paiement de l’indemnité s’il y en a une.

Si vous vous retrouvez dans cette situation, ne réagissez pas de manière impulsive. Posez bien tous les éléments de la situation et ne cédez pas à l’intimidation. Dans le doute, consultez un avocat.

Partager :

 | 

arton8574
L’application du nouveau Code civil dans les relations commerciales depuis le 1er janvier 2023. Que faut-il en retenir aujourd’hui ?
Le nouveau Code civil introduit plusieurs changements significatifs dans les relations commerciales. Ici, par contre, on doit alerter impérativement les...
Audi e-tron 2019 - Photo: Audi
Que faire si vous avez acheté un véhicule d’occasion non conforme à vos souhaits ?
Si vous avez acheté un véhicule d’occasion qui ne correspond pas aux caractéristiques pour lesquelles vous l’avez acquis, que pouvez-vous...
31829
La validité des clauses de non-concurrence lors d’une cession d’entreprise et leur durée maximale
Vous souhaitez acquérir un commerce tout en limitant les droits du vendeur sur son ancienne clientèle ? Vous souhaitez vérifier...
vente bien
Que puis-je faire si j’ai vendu un bien à un ami d’enfance qui ne veut pas me payer ?
Dans notre pratique quotidienne, nous rencontrons régulièrement ce genre de cas. En effet, il est assez courant et récurrent qu’une...
orange
Le droit de réponse
Vous êtes un particulier ou une entreprise mis en cause dans le cadre d’une communication publique et vous désirez rectifier des...
facture-acompte-batiment
Une entreprise peut-elle conserver l’acompte versé par un consommateur qui rompt le contrat ?
Il s’agit d’une situation assez classique : vous signez un contrat avec une entreprise (par exemple, un entrepreneur chargé de construire...
droit-contrat-1
Paul, entrepreneur, nous pose la question suivante : le fait d’être un professionnel implique-t-il que je sois tenu de tout défaut affectant des travaux réalisés chez mon client alors qu’ils ont été exécutés dans les règles de l’art ?
En réalité, la réponse dépend des circonstances de l’espèce. Dans le cadre d’un contrat d’entreprise, où se noue une relation...
concu
Comment se protéger contre la publicité dénigrante d’une entreprise concurrente ?
Dans le cadre de la vie des affaires, plusieurs actions d’entreprises concurrentes peuvent vous causer des dommages importants, en termes...
istock-1090843204
Mon débiteur, établi dans un autre Etat membre de l’Union Européenne, ne paie pas sa dette. Quelles démarches entreprendre pour récupérer ce qui m’est dû ?
Supposons qu’une entreprise belge dispose d’une créance envers un débiteur portugais mais qu’elle rencontre des difficultés à la récupérer. Quelles sont...
Two Businesspeople Working On Contract Paper
Le renouvellement tacite d’un contrat de service conclu par une entreprise & un consommateur (B2C) et entre entreprises (B2B)
Vous venez de constater que votre contrat d’abonnement à la salle de sport permet à l’entreprise de renouveler le contrat...
loi_hamon
Le droit de rétractation dans les contrats à distance & hors établissement 
Aux termes de ses articles II.2 & II.4, le Code de droit économique (Codeco) vise à garantir la liberté d’entreprendre,...
Passing business document
Le contrat d’agence commerciale : la durée & la fin du contrat
Dans notre article du 8 juin dernier sur les critères de choix entre différents contrats de distribution, nous en avions...
agent com
Le contrat d’agence commerciale : les obligations des parties
Dans notre article du 8 juin dernier sur les critères de choix entre différents contrats de distribution, nous en avions...
335081_quand-une-clause-de-non-concurrence-est-disproportionnee-15015836-k4
Quel est le sort d’une clause de non-concurrence post-contractuelle après la résolution judiciaire de la convention qui la contient ?
Certaines conventions comportent des dispositions susceptibles de produire des effets à la fin du contrat. L’une d’entre elle est la...
AdobeStock_90721463
Un professionnel qui appose sa marque sur un produit défectueux engage sa responsabilité en tant que producteur de ce produit
Ce 7 juillet 2022, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision importante concernant la responsabilité du...
architecte-d-interieur-02
Comment invoquer la responsabilité de l’architecte dans le cadre d’un contrat de construction ?
Dans le cadre d’un contrat de construction, l’architecte est investi de diverses missions à l’égard du maître de l’ouvrage et,...
rachat
Elon Musk et Twitter nous rappellent à l'ordre et à la vigilance : comment éviter les risques d’une rupture fautive des pourparlers commerciaux ?
Une rupture des négociations commerciales abrupte peut entrainer de sérieux débats juridiques en matière de rachat d’entreprise. C’est ce qu’un...
main-qimg-e9f6b22870f1153b7f59349b1340633a
Peut-on contester une clause de révision de prix dans le cadre de la loi Breyne ?
La question peut, notamment, se poser lorsque – étant propriétaire d’un terrain à bâtir – vous faites appel à un...
fact
Vous êtes entrepreneur et rencontrez des difficultés à recouvrer vos factures afférentes à des travaux en supplément de votre devis ? Voici quelques conseils pratiques
Dans un précédent article consacré à la révision des prix en cours de contrat, nous avons abordé le principe de...
resilier-son-bail 2
Comment rédiger un bon contrat de bail ?
Lorsque vous décidez de louer votre bien, il est primordial de conclure un bon contrat de bail avec votre locataire...
Signing Contract
Quels contrats de distribution choisir ?
La notion de distribution commerciale recouvre l’ensemble des opérations qui contribuent à la commercialisation de produits/services auprès des distributeurs et...
banner-replace-team
Envie de contribuer à sauver le monde grâce à votre entreprise ? Songez à la société coopérative agréée comme « entreprise sociale » !
De plus en plus d’entrepreneurs sont en quête de sens et les entreprises ont indéniablement un rôle à jouer face...
Close up of Business people shaking hands, finishing up meeting, business etiquette, congratulation, merger and acquisition concept
Si vous souhaitez acquérir un fonds de commerce, assurez-vous d’obtenir les attestations d’absence de dettes
Comme vu précédemment, acheter un fonds de commerce, c’est acquérir un ensemble de biens corporels (meubles, enseigne lumineuse, stock,…) et...
pacte
Comment rédiger un pacte d’actionnaires et quelles clauses prévoir ? 
L’on pense souvent, à tort, que les statuts d’une société la protègent suffisamment de toutes sortes de conflits, notamment de...
Upl66154531
Face à la hausse des prix de l’énergie et des matières premières, pouvez-vous, en tant qu’entrepreneur, imposer à votre client une modification de prix en cours de chantier ? Analyse de la clause de révision de prix
Un entrepreneur peut-il imposer une modification de prix en cours de chantier pour tenir compte de la hausse des prix...
competence-droits-intellectuels
La confusion entre plusieurs noms commerciaux et le parasitisme dans les usages commerciaux
Comment réagir lorsqu’une nouvelle entreprise ouvre à proximité de votre commerce et se met à offrir les mêmes services ou...
cg
Pourquoi est-il aujourd’hui indispensable de maîtriser l’usage des conditions générales?
Le client de Paul a annulé à la dernière minute une importante commande sur son site internet, mais ce dernier...
Prix conditions bonnes générales
Combien coûtent de bonnes conditions générales?
Il est essentiel d’avoir de bonnes conditions générales de vente/de prestation de services/d’intervention/… afin de bien se protéger lors de l’exécution d’un...
Les informations et opinions reprises dans le présent site internet, ses articles et vidéos, sont des commentaires à caractère purement informatif. Elles ne peuvent en aucun cas être considérées comme des avis ou des recommandations d’ordre fiscal, juridique ou autre. Elles ne tiennent pas compte de votre situation personnelle, ni de l’évolution permanente de la législation, jurisprudence et doctrine passé le délai de rédaction. Il convient donc toujours de consulter son avocat expert par e-mail ou en présentiel pour vérifier l’adéquation de l’information avec votre situation personnelle et l’évolution naturelle du cadre normatif, jurisprudentiel et doctrinal. Nous vous invitons à prendre contact avec votre avocat spécialisé avant de prendre toute décision se fondant directement ou indirectement sur les informations contenues dans le présent site internet.

Logo Centrius Loup BleuContactez le cabinet

Vous avez un besoin d’une assistance juridique ou vous souhaitez l’assistance d’un avocat pour une procédure judiciaire, une médiation ou un arbitrage ?

Nous avons quelques questions...

Remplissez le formulaire ci-dessous

    Logo du Cabinet d'avocats Centrius orangeSuivre l'expert

    Recevez l’article dans votre boite mail et restez informés des futures publications du blog Centrius.