En quoi consiste le remplacement extrajudiciaire ?
Le remplacement extrajudiciaire (ou remplacement unilatéral) permet au créancier d’une obligation contractuelle de substituer au débiteur défaillant ou négligent une autre personne, qui exécutera elle-même le contrat.
Grâce à ce mécanisme, un maître de l’ouvrage confronté à un défaut d’exécution peut donc, dans certains cas et selon des conditions précises, faire appel, de son propre chef, à un autre entrepreneur pour veiller à la réalisation des travaux. Il pourra ensuite réclamer en justice, au premier entrepreneur sollicité, le remboursement des frais avancés, à titre de dommages & intérêts.
Ce mécanisme – admissible en vertu des articles 1143 et 1144 de l’ancien Code Civil[1] – a été repris au livre 5 « Les obligations » du futur nouveau Code civil, dans le cadre de la réforme du droit des droits obligations.
Quelle est la position de la Cour de cassation à cet égard ?
Dans son arrêt du 18 juin 2020, la Cour de cassation consacre, pour la première fois explicitement, le remplacement extrajudiciaire et elle en précise les conditions[2] :
- un manquement du débiteur, qui ne doit pas nécessairement être grave, est requis ;
- l’obligation à exécuter ne doit pas être strictement personnelle/intuitu personae, au sens où il n’est pas indispensable que le travail soit effectué par le débiteur initial;
- il faut établir l’existence de circonstances exceptionnelles pouvant justifier le remplacement, comme l’urgence ou le devoir du créancier de limiter son dommage ;
- une mise en demeure doit être adressée par le créancier au débiteur défaillant ;
- avant le remplacement, le créancier doit veiller à établir un « état de la situation » ; même si la preuve de la défaillance du débiteur initial peut être apportée par toutes voies de droit, il est conseillé de procéder de manière contradictoire, voire par constat d’huissier ;
- la décision de procéder à son remplacement doit être notifiée au débiteur;
- le remplacement ne peut être effectif qu’à l’issue d’un délai raisonnable laissé au débiteur pour exécuter son obligation, et ce en respectant, notamment, le principe de bonne foi.
Le remplacement extrajudiciaire peut-il être utilisé sans l’intervention d’un avocat ?
En cas de respect scrupuleux des conditions mentionnées et du principe général de la bonne foi, les frais de remplacement pourront être entièrement réclamés au débiteur remplacé. Mais, en cas de manquement du créancier, dûment constaté par le juge, une partie de ces frais demeureront à sa charge.
En définitive, si le remplacement extrajudiciaire est certes un redoutable outil lorsqu’il est utilisé, de bonne foi et dans le respect des conditions nécessaires, à l’encontre des débiteurs défaillants, il convient néanmoins d’y avoir recours avec clairvoyance, prudence et patience. C’est pourquoi nous vous recommandons de consulter un avocat spécialisé avant d’envisager un quelconque remplacement. En partageant son expérience et prodiguant de judicieux conseils, il vous guidera dans vos démarches, en toute sérénité.
[1]Art. 1143. « Néanmoins le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l’engagement, soit détruit; et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts, s’il y a lieu ».
Art. 1144. « Le créancier peut aussi, en cas d’inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l’obligation aux dépens du débiteur ».
[2] C.-E. Lambert, « le remplacement extrajudiciaire enfin reconnu par la Cour de cassation », R.D.C.-T.B.H., 2021, p. 1068 ; Cons. P. Wéry, Droit des obligations, vol. 1, 3ème ed., Larcier, 2021, pp. 819 et 820, n° 803; S. De Rey, « Wat u zelf doet, doet u beter ? De buitengerechtelijke vervanging van de schuldenaar erkend door het Hof van Cassatie », R.G.D.C., 2020, pp. 551 et s., nos 30 et s.