En tant qu’entrepreneur, il est frustrant d’être confronté à un débiteur défaillant après avoir presté un service ou livré une marchandise. Les démarches judiciaires classiques peuvent sembler coûteuses, complexes et intimidantes.
Heureusement, il existe une alternative efficace, souvent méconnue : la procédure sommaire d’injonction de payer, régie par les articles 1338 à 1344 du Code judiciaire, qui permet d’accélérer et d’alléger le recouvrement des (petites) créances. Rapide et économique, elle offre une solution accessible aux entreprises, tout en garantissant un cadre légal sécurisé. Découvrez ici comment elle peut vous aider à protéger vos droits et optimiser votre trésorerie.
Compétence matérielle et territoriale
Les juridictions compétences pour connaitre de ces procédures sont :
- le juge de paix, pour les créances n’excédant 1.860 € (principal et accessoires inclus mais sans les intérêts judicaires et les dépens);
- le tribunal de police, pour toute demande relative à la réparation d'un dommage résultant d'un accident de la circulation ;
- le tribunal de l’entreprise, pour les contestations entre entreprises, quel que soit le montant de la demande[1].
Conditions
Cinq conditions sont nécessaires pour se prévaloir de cette procédure.
- Nature de la demande du paiement. Selon le cas, l’une des trois juridictions précitées sera compétence[2].
- Nature de la créance. Celle-ci doit être pécuniaire, liquide (déterminée ou aisément déterminable) et exigible (actuellement due).
- Montant de la créance. Comme indiqué, devant le juge de paix, la procédure concerne les dettes ne dépassant pas 1.860 € ; aucun plafond n’étant prévu pour les créances commerciales, la différence de traitement pose question.
- Caractère apparemment incontestable de la dette. Un « écrit émanant du débiteur » doit paraître « justifier » la dette[3]; il ne doit pas nécessairement s’agir d’une reconnaissance de dette). Le juge apprécie souverainement la justification. En tout état de cause, le créancier doit mettre en demeure son débiteur[4].
- Domicile ou résidence du débiteur en Belgique[5].
Procédure sensu stricto
La requête (article 1340 du Code judiciaire)
La procédure d’injonction de payer s’introduit par le dépôt au greffe d’une requête
[6], qui doit contenir des mentions prescrites à peine de nullité, notamment l'objet de la demande, son fondement et l'indication précise du montant de la somme réclamée, avec le décompte des différents éléments de la créance, ainsi que la signature de l’avocat
[7].
D’autres mentions sont facultatives ; ainsi, le requérant peut indiquer les motifs pour lesquels s’il s’oppose à l’octroi de termes et délais.
Le requérant doit également annexer à la requête :
- la photocopie de l’écrit qui sert de fondement à la demande ;
- soit l'exploit d’huissier, soit la copie de la lettre recommandée à laquelle est joint l'accusé de réception, soit l'original de cette lettre auquel sont joints la preuve du refus de réception ou de la non-réclamation à la poste et un certificat établissant que le débiteur est inscrit à l'adresse indiquée sur les registres de la population.
L’ordonnance
Le juge a seulement 15 jours, à partir du dépôt de la requête, pour accueillir ou rejeter la demande par ordonnance, voire accorder des délais de grâce
[8].
Il convient de distinguer 3 hypothèses (article 1343 du Code judiciaire) :
- rejet intégral de la demande ; toutefois, le créancier peut toujours introduire une procédure via la voie classique (citation) ;
- accueil intégral, auquel cas l’ordonnance à l’effet d’un jugement rendu par défaut ;
- rejet ou accueil partiel ; une procédure au fond est toujours possible mais le bénéfice de l’ordonnance est perdu.
En cas d’accueil intégral, l’ordonnance impute les droits de mise au rôle au débiteur mais réduit l’indemnité de procédure au minimum. En cas de rejet partiel, l’indemnité de procédure est compensée
[9].
Si le juge fait entièrement droit à la demande, les effets sont très intéressants pour le créancier. En effet, l’ordonnance ayant l’effet d’un jugement par défaut, elle est uniquement susceptible d’opposition ou d’appel
[10]. Toutefois, elle n’est pas exécutoire par provision, sauf décision spécialement motivée
[11]. Le créancier doit attendre un délai d’un mois à partir de la signification avant d’exécuter l’ordonnance, sauf si le juge accorde l’exécution provisoire
[12].
Conclusion
La procédure sommaire d’injonction de payer offre une solution rapide, simple et accessible aux entrepreneurs confrontés à des débiteurs défaillants. Grâce à son cadre précis, elle permet de recouvrer des petites créances en évitant les démarches judiciaires longues, coûteuses et complexes. Elle constitue une alternative efficace, particulièrement adaptée aux besoins des petites et moyennes entreprises.
Parmi ses principaux atouts, la rapidité de traitement est à souligner : une décision peut être rendue dans un délai de 15 jours après dépôt de la requête, ce qui est essentiel pour préserver la trésorerie des entreprises. De plus, les coûts sont réduits, notamment par rapport à une action judiciaire classique, et le formalisme requis, certes encadré, reste à la portée des professionnels, surtout lorsqu’ils bénéficient d’un accompagnement adapté.
Cette procédure est également rassurante pour les créanciers, car elle repose sur des conditions claires, telles que l’exigibilité de la dette ou la nécessité d’un écrit émanant du débiteur, garantissant une certaine sécurité juridique.
En résumé, la procédure sommaire d’injonction de payer, en ce qu’elle constitue une opportunité précieuse pour les entreprises de sécuriser leur activité face à des créances impayées, s’impose comme une solution adaptée aux défis du quotidien entrepreneurial, permettant aux professionnels de se concentrer sur le développement de leur activité plutôt que sur des litiges coûteux et chronophages.
La procédure sommaire d’injonction de payer étant une démarche technique nécessitant un respect rigoureux des prescriptions légales, notre cabinet est à votre disposition pour vous accompagner et défendre vos intérêts à chaque étape. Que vous souhaitiez y recourir pour recouvrer vos créances ou simplement obtenir des informations, n’hésitez pas à nous contacter (
db@centrius.be – 0484/681.081 – 064/70.70.70 –
www.centrius.be).
Me David BLONDEEL & Me Julien LAURENT
[1] Article 1338, alinéas 1, 3 & 4 du Code judiciaire. Pour le surplus, à défaut de compétence territoriale spécifique, il convient de se référer à l’article 624 du Code judiciaire.
[2] Les autres matières sont exclues, notamment en matières sociales, fiscales, …
[3] Article 1338, al 1
er du Code judicaire.
[4] Articles 1339 et 1340 du Code judiciaire. Sont nécessaires un exploit d’huissier ou, à tout le moins, une mise en demeure envoyée par recommandé avec accusé de réception, qui contient des mentions obligatoires, à peine de nullité. La loi sur l’emploi des langues doit être respectée (ex. : si le débiteur est domicilié en Flandre, l’usage du néerlandais s’impose). L’avocat sera également attentif à l’article XIX.7 du Code de droit économique relatif au recouvrement des dettes vis-à-vis d’un consommateur.
[5] Article 1344 du Code judiciaire.
[6] Dans un registre reprenant toute communication adressée au juge par le débiteur (article 1341 Code judicaire).
[7] Article 1026 du Code judicaire.
[8] Article 1342 du Code judiciaire.
[9] Article 1017, al. 4 du Code judiciaire.
[10] Article 1343, §3 du Code judiciaire. Voy. également l’article 1343, §4 al. 2 du Code judiciaire.
[11] Article 1397 du Code judiciaire.
[12] Article 1495 du Code judiciaire.