30/08/2022

Le contrat d’agence commerciale : les obligations des parties

Dans notre article du 8 juin dernier sur les critères de choix entre différents contrats de distribution, nous en avions annoncé d’autres, consacrés aux contrats évoqués. Voici le premier de cette série en cette veille de rentrée judiciaire.

I. – Les obligations de l’agent commercial

1. – L’article X.4 du Code de droit économique (Codeco) confirme le devoir imposé à l’agent d’agir avec diligence et dans le respect des intérêts de celui au nom duquel il intervient (commettant).

2. – L’article X.23 prévoit que l’agent peut se porter ducroire, c’est-à-dire garantir certaines obligations incombant aux tiers et, en particulier, la solvabilité des clients qu’il a apportés et qui contractent avec son commettant.

La validité d’une telle clause est subordonnée à plusieurs conditions cumulatives :

  • la clause doit faire l’objet d’un écrit précisant l’étendue de la garantie offerte;
  • l’agent doit être intervenu personnellement dans la négociation de l’affaire conclue avec le tiers dont il garantit les engagements et les conditions de la commande doivent être celles qu’il a discutées (en outre, la garantie cesse d’être applicable lorsque le commettant modifie, sans l’accord de l’agent commercial, les conditions de livraison ou de paiement).

Sauf clause contraire écrite, la garantie de l’agent se limite à la solvabilité du tiers et, en principe, il ne peut s’engager pour un montant supérieur à la commission convenue, sauf si son engagement se rapporte à une affaire déterminée. Dans ce cas, le juge peut réviser la clause en cas de disproportion manifeste entre le risque supporté par l’agent et le bénéfice qu’il devait retirer du contrat.

3. – L’article X.22 autorise la stipulation d’une clause de non-concurrence, qui doit :

  • être rédigée par écrit ;
  • concerner le type d’affaires dont était chargé l’agent (limite matérielle) ;
  • viser que le secteur géographique/groupe de personnes confiés à l’agent (limite territoriale) ;
  • produire ses effets pour une durée égale ou inférieure à 6 mois après la rupture (limite temporelle).

En outre, la clause de non-concurrence :

  • ne produit pas ses effets lorsqu’il est mis fin au contrat par le commettant, sans invoquer un motif prévu à l’article X.17, al. 1er, ou par l’agent, en invoquant un tel motif;
  • crée une présomption iuris tantum d’avoir apporté une clientèle en faveur de l’agent, ce qui allège son fardeau de la preuve quant à l’obtention d’une indemnité d’éviction.

Le commettant peut établir que l’agent ne peut prétendre à une indemnité d’éviction (cfr. infra), en contestant la réalité d’un développement sensible de la clientèle dont il continue à tirer profit de façon substantielle après la rupture du contrat.

Le contrat peut prévoir une indemnité forfaitaire, en cas de violation de la clause de non-concurrence, qui « ne peut dépasser une somme égale à une année de rémunération calculée conformément à l’article X.18, al. 4 ». Le commettant peut, cependant, prétendre « à une réparation supérieure, à charge de justifier de l’existence et de l’étendue de son préjudice » (article X.22, § 4, al. 2).

II. – Les obligations du commettant

1. – Outre l’obligation de payer la rémunération, le commettant est tenu par les obligations générales inscrites à l’article X.6, qui soulignent la bonne foi et la loyauté censées présider à l’exécution du contrat d’agence (information et collaboration à l’exécution des obligations).

2. – Les articles X.7 à X.15 Codeco confirment l’importance de la problématique de la rémunération. Selon l’article X.7, la rémunération de l’agent peut consister (i) en une somme fixe, qui doit, sauf disposition contraire, être payée mensuellement (article X.15), (ii) en des commissions (articles X.8 à X.14) ou (iii) partiellement en une somme fixe et partiellement en des commissions.

L’article X.13, al. 1er pose le principe de la libre détermination par les parties du taux des commissions, qui peut être variable, notamment selon les catégories de clients, la nature des produits/services et le rôle joué par l’agent dans la réalisation de l’affaire.

À défaut de précision contractuelle et d’indications quant à la volonté des parties, il s’agit du « taux usuel pratiqué dans le secteur économique de l’endroit où l’agent commercial exerce ses activités, pour des affaires du même genre ». En l’absence d’usages, l’agent a droit à « un pourcentage équitable, qui tient compte de tous les éléments qui ont trait à l’opération » (article X.13, al. 4).

Quant à leur base de calcul, l’article X.13, al. 5 ajoute que les commissions sont, en principe, calculées

  • sur la base du prix facturé au client
  • sans déduction des frais accessoires (emballage, fret, …), sauf s’ils sont facturés séparément ;
  • à l’exclusion des taxes, frais de douane et autres impôts[1].

En vertu de l’alinéa 7, « toute modification unilatérale, au cours de l’exécution du contrat, du ou des taux initialement convenus constitue un acte équipollent à rupture » – justifiant, dès lors, l’application de l’article X.17 (sous réserve des précisions apportée par le législateur à cette disposition)[2].

Les articles X.8 à X.10, qui prévoient les situations dans lesquelles l’agent a droit au paiement de sa commission, opèrent une distinction selon que l’affaire concernée a été conclue par son intermédiaire

  • pendant l’exécution de la convention d’agence commerciale : il a droit à une commission directe (affaires qu’il a personnellement apportées), mais aussi indirecte (la conclusion de l’affaire résulte indirectement de ses efforts) (X.8) ;
  • après la cessation de la relations contractuelle : l’agent garde le droit au versement d’une commission lorsque l’affaire a été conclue grâce à son intervention (X.9).

Un partage équitable de la commission est parfois réalisé entre deux agents (article X.10).

Le fait générateur de la commission est ainsi l’affaire que l’agent a contribué à apporter ; il est donc rémunéré pour le travail réalisé dans le cadre de l’objet du contrat. Dans un arrêt du 7 janvier 2009[3], la 12e chambre de la Cour d’appel de Gand a décidé que l’apport de l’agent en vue de l’amélioration du marketing, de l’image et du rayonnement du commettant constitue une obligation de l’agent (article X.4) et que, dès lors, à moins que les parties en aient convenu autrement, de telles activités ne donnent pas, en elles-mêmes, droit à une rémunération complémentaire.

En principe, la commission est exigible si l’on se trouve dans l’un des deux cas visés par les points 1° et 2° de l’alinéa 1er de l’article X.11 : soit lorsque le commettant a exécuté l’opération ou devrait l’avoir exécutée, selon ce qui a été convenu entre les parties, soit lorsque le tiers exécute ses obligations.

L’alinéa 2 de l’article X.11 ajoute qu’elle l’est en tout état de cause « au plus tard lorsque le tiers a exécuté sa part de l’accord ou devrait l’avoir exécutée si le commettant avait exécuté sa part de l’accord » et l’alinéa 3 que « la commission est payée au plus tard le dernier jour du mois qui suit le trimestre au cours duquel elle est devenue exigible »[4].

L’article X.12 énumère les cas dans lesquels les parties peuvent convenir expressément d’une extinction du droit aux commissions. Par arrêt du 17 mai 2017 (aff. C-48/16, ERGO), la CJUE a décidé que la première hypothèse d’extinction vise les cas d’inexécution totale ou partielle du contrat conclu entre le commettant et le tiers (ex. : non-respect du volume d’opérations ou de la durée prévus). Selon la Cour, « la notion de “circonstances imputables au commettant” ne se rapporte pas aux seuls motifs de droit ayant directement entraîné la rupture du contrat, mais vise toutes les circonstances de droit et de fait imputables au commettant, qui sont à l’origine de l’inexécution de ce contrat » (…) La clause d’un contrat d’agence commerciale en vertu de laquelle l’agent est tenu de rembourser, au prorata, une partie de sa commission en cas d’inexécution partielle du contrat conclu entre le commettant et le tiers ne constitue pas une “dérogation au détriment de l’agent commercial”, au sens de cet article 11, § 3, si la partie de la commission soumise à l’obligation de remboursement est proportionnée à l’ampleur de l’inexécution dudit contrat et à condition que cette inexécution ne soit pas due à des circonstances imputables au commettant ».

L’article X.14 impose au commettant de remettre à l’agent un relevé des commissions dues, reprenant les éléments sur la base desquels elles ont été calculées. Il peut exiger que lui soient fournies toutes les informations (livres comptables, etc.) lui permettant de vérifier l’exactitude du montant.

Si vous souhaitez conclure un contrat d’agence commercial, en tant qu’agent ou de commettant, n’hésitez pas à faire appel à l’équipe de droit de l’entreprise du cabinet Centrius.

Me David Blondeel & Me Yves De Cordt


[1] Par ailleurs, les remises de fidélité, ristournes et escomptes au comptant consentis unilatéralement par le commettant au client ne peuvent être exclus de l’assiette des commissions dues à l’agent commercial » (article X.13, al. 6).

[2]Une dérogation est, cependant, prévue en ce qui concerne les secteurs des assurances, des établissements de crédit et des marchés réglementés de valeurs mobilières où une modification en cours d’exécution peut être valable si elle a été acquise dans le cadre de négociations intervenues au sein d’un organe paritaire (article X.13, al. 8).

[3] D.A./.O.R.,2011, pp. 1081‑109.

[4] Selon l’alinéa 4, les alinéas 2 et 3 sont impératifs, en faveur de l’agent.

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