Licenciement pour motif grave : une procédure à manier avec prudence
En Belgique, le licenciement pour motif grave constitue une mesure permettant, notamment, à l’employeur de mettre fin immédiatement au contrat de travail, sans préavis ni indemnité, lorsqu’un comportement du travailleur rend impossible toute collaboration ultérieure[1].
Si cette rupture immédiate est parfois nécessaire pour protéger les intérêts de l’entreprise, elle doit être utilisée rapidement et avec prudence, car elle est strictement encadrée par la loi et la jurisprudence.
- Un motif grave, c’est quoi ?
L’article 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail définit le motif grave comme la faute grave qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre l’employeur et le travailleur ».
Autrement dit, il doit s’agir d’une faute tellement sévère qu’elle rompt le lien de confiance indispensable à la relation de travail et ce, de manière immédiate[2]. La relation de travail ne peut donc se poursuivre.[3]
Les exemples reconnus par la jurisprudence des tribunaux du travail de Belgique sont multiples et variés, mais dépendent à chaque fois de l’appréciation des faits propres à chaque situation et de son contexte[4].
Il peut s’agir, par exemple, de la divulgation d’informations confidentielles lorsque l’entreprise subit un dommage[5], d’un acte d’insubordination[6], d’un vol ou encore de la falsification de documents.
Cependant, la gravité d’un comportement dépend toujours du contexte : la fonction du travailleur, son ancienneté, ses antécédents ou la culture interne de l’entreprise influencent l’appréciation souveraine du juge[7].
- Le délai de licenciement est très court : 3 jours
De plus, le licenciement pour motif grave obéit à un double délai impératif.
- Premier délai de 3 jours
Dès que l’employeur, ou la personne qui possède le pouvoir de licencier, a la connaissance certaine des faits fautifs, il dispose de trois jours ouvrables pour notifier la rupture immédiate du contrat pour faute grave. Cette notification n’est soumise à aucune obligation de forme, si ce n’est que l’écrit est toujours nécessaire à des fins probatoires.
Le délai de 3 jours ne commence qu’à courir à partir de la connaissance certaine des faits par la personne ayant la capacité de licencier. Il se peut que des devoirs d’enquête soient nécessaires pour s’assurer de la réalité des faits invoqués. Il est donc également possible que le licenciement intervienne bien après les faits puisque découverts récemment.
- Deuxième délai de 3 jours
La notification du licenciement pour motif grave peut s’accompagner dans le même courrier de la notification des motifs de licenciement. Dans ce cas, le deuxième délai n’est pas utile.
Si les motifs de licenciement n’ont pas été notifié lors de la notification du licenciement pour faute grave, l’employeur a trois jours ouvrables supplémentaires pour notifier par écrit les motifs précis au travailleur.
Cette notification doit obligatoirement avoir lieu d’une des manières suivantes :
- Par courrier recommandé ;
- Par exploit d’huissier
- Par la remise d’un écrit à l’autre partie, avec signature d’accusé de réception par la personne licenciée ;
Le non-respect de ces délais ou de la forme requise entraîne la nullité du licenciement pour motif grave, obligeant l’employeur à verser l’indemnité compensatoire de préavis.
Il est donc crucial d’agir rapidement tout en s’assurant que la décision repose sur des éléments solides.
- La charge de la preuve repose sur celui qui invoque les faits graves
Il appartient à la partie qui invoque le motif grave de fournir la preuve des faits reprochés ainsi que du respect des délais prévus par la loi[8].
- N’est grave que le motif décidé par le juge
Les tribunaux belges examinent avec attention la proportionnalité entre les faits reprochés au travailleur et la sanction prononcée et peuvent revoir l’intégralité de la décision de l’employeur. L’article 35 de la loi du 3 juillet 1978 précise spécifiquement que le motif grave est « laissé à l’appréciation du juge ».
Une réaction précipitée, mal motivée ou insuffisamment prouvée, ou encore le non-respect des délais prévus par l’article 35 de la loi du 3 juillet 1978, peuvent entraîner des conséquences financières importantes pour l’employeur.
Ce dernier devra non seulement payer l’indemnité compensatoire de préavis due à l’employé, mais pourra également être condamné à verser l’indemnité prévue par l’article 9 de la CCT n°109 pour licenciement manifestement déraisonnable, pouvant aller jusqu’à dix-sept semaines de rémunération[9].
Dès lors, une mauvaise appréciation du motif grave, une rupture du contrat de travail mal réalisée ou un non-respect des délais prescrits par la loi peuvent coûter cher à l’employeur.
- Les droits du travailleur
Etant donné que le motif grave est laissé à l’appréciation du juge, le système est fait de manière à ce que les travailleurs puissent facilement accéder à la justice en leur permettant de bénéficier des allocations de chômage temporaire, pour autant qu’ils s’engagent à aller devant le tribunal dans l’année suivant la rupture de leur contrat de travail, ce qui correspond au délai de prescription légal.
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Face à une situation conflictuelle ou incertaine, il est essentiel de ne pas agir dans la précipitation. Notre équipe vous assiste dans l’analyse des faits et vous conseille sur la pertinence et la légalité d’un licenciement pour motif grave, en tenant compte des spécificités de votre dossier.
[1] VERBRUGGE,F. et LEGAL KNOWLEDGE PARTENA PROFESSIONAL, « Guide de la réglementation sociale pour les entreprises », 35ème Edition, Wolters Kluwer, 2024, p.235.
[2] Trib. trav. Liège (div. Namur), 19 décembre 2016, R.G. 16/1.949/A , disponible sur terralaboris ; C. trav. Liège (div. Liège), 13 mai 2025, R.G. 2024/AL/243 , disponible sur terralaboris ; C. trav. Anvers (div. Hasselt), 22 décembre 2020, R.G. 2020/AH/7, disponible sur terralaboris ; VERBRUGGE,F., op cit., p.235.
[3] Trib. trav. Liège (div. Namur), 19 décembre 2016, R.G. 16/1.949/A , disponible sur terralaboris ; C. trav. Liège (div. Liège), 13 mai 2025, R.G. 2024/AL/243 , disponible sur terralaboris.
[4] VAN EECKHOUTTE,W., NEUPREZ,V., « Cas d'espèce de congé pour motif grave : introduction », commentaire pratique, consulté sur Socialeye le 3 novembre 2025. ; VERBRUGGE,F., op cit., pp.235 à 244.
[5] VAN EECKHOUTTE,W., NEUPREZ,V., « Licenciement pour motif grave consécutif à la divulgation d’informations confidentielles. », Commentaire pratique, consulté sur Socialeye le 3 novembre 2025.
[6] VAN EECKHOUTTE, W., NEUPREZ, V., « Licenciement pour motif grave consécutif à l’insubordination du travailleur », consulté sur SocialEyes le 3 novembre 2025.
[7] ; VERBRUGGE,F., op cit., p.237 et 244.
[8] Art 35, alinéa 8 de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail, VAN EECKHOUTTE,W., NEUPREZ,V., « Administration de la preuve en cas de congé pour motif grave. », Commentaire pratique, consulté sur Socialeye le 3 novembre 2025. ; VERBRUGGE,F., op cit., p.236.
[9] VERBRUGGE,F., op cit., p.242.
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